Marie Morgane
Les Marie Morganes (ou Mary Morgan) sont l'équivalent breton des sirènes. On appelle les mâles « Morganed » et les femelles « Morganezed ». Ce sont des créatures marines le plus souvent féminines et malfaisantes qui ensorcèlent les jeunes pêcheurs sur les grèves. Une sirène ? Non, car dans la mythologie grecque les sirènes avaient un corps non de poisson, mais d'oiseau. Cependant, sa représentation peut varier selon les légendes…
Sur un certains nombres de monuments religieux bretons, particulièrement sur les ossuaires, tel celui de Sizun ou celui de Lannédern, on a la surprise de voir, sculptée dans le granit, une créature à tête et poitrine de femme mais corps et queue de poisson. Il s'agit ici de Maries Morganes.
La Marie-Morgane serait selon certaines légende la réincarnation de Dahud, la fille du roi Gradlon, après l'engloutissement de la ville d'Ys. (J’ai lu il n’y a pas longtemps une légende ya faisant référence, dès que je remets la main dessus, je le publie)
Ce sont probablement les Marie Morganes qui sont à l’ origine de la représentation des sorcières dans Moriganes, cinquième opus des Complaintes des Landes Perdues.
Voici quelques courtes légendes :
Mary morgane
J’avais dans les douze ans à l’époque et je naviguais comme mousse à bord d’un des bateaux-pilotes de l’île. Un matin, comme nous croisions un peu avant l’aube dans les parages de l’Ar-Men en attente des navires de la Flotte, qui devaient rentrer à Brest, nous vîmes soudain à bâbord, la mer, qui était admirablement unie et lisse, se froncer légèrement sans que le moindre souffle de brise eût troublé sa surface.
- Oh ! Oh ! s’écria Tymeur, le patron, il y a de la grosse bête par là !
Nous pensions qu’il allait surgir quelque énorme poisson. Aussi quelle ne fut pas notre stupeur quand un merveilleux buste de femme nue s’éleva soudain au dessus des eaux ! Nous restâmes un instant, comme médusés, à la contempler. Ses cheveux très noirs, séparés en deux bandeaux sur son front, semblaient glisser derrière son dos en une longue tresse qui venait ensuite faire plusieurs fois le tour de son corps. Elle se tenait droite, ses bras soutenant ses seins, et elle nous regardait fixement, sans avoir l’air de bouger tant ses mouvements étaient aisés et souples. Cependant il était visible qu’elle se rapprochait de nous.
- Aux avirons, tous ! commanda le patron, et souque dur !
Il avait la voix altérée. Moi, je tremblais, je ne savais pourquoi, de tous mes membres.
Nous regagnâmes l’île à force de rames, sans plus nous soucier de la Flotte.
- C’est une journée perdue, dit un des hommes de l’équipage, quand nous fûmes ancrés dans le port.
A quoi Tymeur répondit d’un ton en colère :
- Tu aurais peut-être préféré perdre la vie ?
Et il ajouta avec calme :
Au lieu de nous plaindre, faisons le signe de croix, les enfants, pour remercier Dieu et saint Gwenole. Ceux-là sont rares qui, ayant rencontré Mary Morgane, ont revu vivant la terre.
J’appris ainsi qui était la mystérieuse belle femme de la mer. Depuis, grâce au ciel, je ne l’ai plus retrouvée sur mon chemin
(Recueilli à l’île de Sein, sans date). Anatole Le Braz
Les Morgans
« Les Morgans sont les habitants de la mer, ils sont beaux et bons. Les femmes ont les cheveux blonds et bouclés, les hommes ont de longues barbes striées de fils d'or. Parfois, une Marie Morgane, jouant de sa séduction, attirait un garçon dans sa luxueuse demeure. Il lui était interdit de reprendre sa place parmi les hommes, mais il était tellement riche et choyé que ce désir disparaissait. Il vivait alors heureux dans le royaume de la mer, épousait une Marie Morgane et avait de nombreux Morgans et Morganes. »
La Marie Morgane
« La Marie Morgane est un être surnaturel vivant dans l'océan.. Les marins l'aperçoivent au large, nageant au milieu des vagues, ou, tout près d'eux, folâtrant autour de leur bateau. On la voit aussi peignant ses longs cheveux d'or, assise sur un rocher. C'est une créature dangereuse, incarnation de la séduction illusoire, qui charme les hommes par sa beauté et ses chants harmonieux et les entraîne au fond de l'eau. On cite parmi elles Dahud, qui fut princesse d'Ys, et Morgane, la magicienne, soeur du roi Arthur »
Marie Morgane
Lorsque la mer fut apaisée, le saint homme Guénolé, servi par le vieux Gradlon, voulut dire une messe pour le salut de la ville engloutie. Alors qu'il élevait le calice, surgit des eaux scintillantes, le torse blanc d'une fille aux cheveux de cuivre, un bras levé au ciel. Une lourde queue d'écailles bleues terminait son corps.
C'était Ahès-Dahut, devenue Marie-Morgane. La main de Guénolé trembla si fort, que le précieux calice lui échappa et vint se briser sur les rochers. La messe ne fut point consommées, Is demeure maudite et Morgane sirène. Chaque fois que se montre Ahès, un orage terrible est bien près de crever.
Un jour, le patron Porzmoger, avait mouillé sa barque en baie. Quand il voulut remonter l'ancre, il ne put parvenir à la décrocher. Il se dévêtit et se laissa glisser le long du filin.
L'ancre était accochée dans las branches d'une croix dorée au sommet d'une église. Des cloche s'ébranlèrent, et il sombra le long de la tour. Par une fenêtre sans vitrail, il pénétra dans une nef illuminée où se pressait une foule fervente, et adossé à l'autel, un prêtre attendait Porzmoger.
Le sacristain quêteur présenta au marin un large plat où s'entassaient des pièces d'or aux curieuses marques : "Pour les chers trépassés". Porzmoger n'avait pas un liard, il secoua les épaules, alors le prêtre ouvrit les bras et se mit à chanter : "Dominum vobiscum" . Puis une grande plainte monta de la nef, où les assistants devinrent cadavres livides et squelettes blanchis.
La princesse vint au pêcheur : "Ne pouvais-tu répondre et cum spirit tuo, Porzmoger ! Tu nous aurais sauvés tous."
A l'instant, il reconnut Marie-Morgane, et sut qu'il était dans Is. Il n'eut que le temps de remonter par la corde des cloches et le filin d'ancrage. A peine avait-il sectionné le filin et hissé la voile, que l'orage fantastique de la sirène creusait déjà les vagues autour de lui.
Et la ville d'Is attend toujours que finisse, enfin, la messe de rachat.
Extrait de Légendes de la Mer de Pierre-Jakez Hélias